Le lambeau de Philippe Lançon : YvonS



Le Lambeau, Philippe Lançon

Éditions Gallimard, 510 pages
PRIX FÉMININA 2018
PRIX RENAUDOT SPÉCIAL 2018

Comment commencer cette chronique ? me suis-je demandé. Pas simple. Être à la hauteur du bouquin et de ce qu'il raconte. Impossible.  Et pourtant je m'y risque parce qu'il vaut la peine d'être lu. 

Pour ceux qui l'ignoreraient, Philippe Lançon est l'un des rares survivants de l'attentat à Charlie Hebdo. C'est lui qui a pris une balle de kalachnikov en pleine mâchoire. Si vous attendez le récit factuel, chronologique et précis de ce moment atroce, passez votre chemin.

Bien sûr, il raconte l'attentat et ces instants tout de suite après où il est dans un état de choc et de sidération tel qu'il ne souffre pas malgré la gravité de ses blessures. N'attendez pas un récit linéaire, Lançon digresse sans cesse. Il commence par nous raconter la journée et la soirée qui ont précédé comme s'il retardait au maximum le moment d'aborder la chose innommable. Et puis, on le suit dans sa lente, très lente reconstruction  (et le mot dit bien ce qu'il veut dire). La douleur quasi-permanente, la mâchoire inférieure détruite  (je vous épargne les détails ), le choc, le chagrin, l'absence de haine, mais aussi l'admiration, le respect et la reconnaissance envers le personnel soignant depuis l'aide-soignante jusqu'aux chirurgiens, l'estime et l'amitié qu'il va développer envers les policiers qui vont le protéger 24 heures sur 24 pendant des mois devant sa chambre ou autour de lui quand il se déplace  (même dans l'hôpital, même au bloc opératoire )... On le suit au long de ses 17 opérations, de ses 10 mois d'hospitalisation  à  la Salpêtrière ou aux Invalides entre le 7 janvier 2015 et le 13 novembre  où il est à New York (oui, le 13, le Bataclan). La souffrance encore et toujours, les échecs de ses opérations,  le soutien des siens,  la déliquescence de son couple, ses petites et grandes obsessions (son vélo resté attaché devant Charlie Hebdo, son portable, son sac-besace, ses livres...).

J'avais lu ses chroniques dans Charlie quand il a recommencé à écrire.  Ne pas commettre l'erreur de beaucoup,  écrire à nouveau ne veut pas dire être guéri. En revient-on? Oui. Le même ?  Non, évidemment. Sacré bouquin qui laissera des traces en vous.  Ce n'est pas tant le chapitre qui raconte les 50 secondes terribles que ce qui suit, et l'estime qu'on porte à cet homme. Ce n'est pas un livre qu'on quitte facilement,  même s'il n'est pas facile à lire.

Et puis, un jour, peut-être, par hasard, croiser Philippe Lançon et... juste lui serrer la main. 



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