Directrice de prison, Christelle Rotach avec Delphine Saubaber : YvonS
Directrice de prison, Christelle Rotach avec Delphine Saubaber
Éditions Pocket, 236 pages
Attention, récit ! Il ne s'agit ni d'un roman ni de mémoires. Christelle Rotach nous raconte ici une vingtaine d'années de sa vie en tant que directrice de plusieurs prisons françaises, et parmi toutes celles évoquées La Santé et Les Baumettes.
On est loin d'un feel good. Mais ce genre de récit est salutaire à la fois pour montrer la grande misère de l'administration pénitentiaire et corriger quelques idées reçues sur la vie "tout confort" des détenus avec télé, frigo et téléphone.
Être directrice de prison, c'est gérer les rébellions (plus fréquentes qu'on ne pense), les agressions entre prisonniers ou sur les surveillants, les incendies volontaires (un détenu qui détruit sa cellule devra rembourser les travaux) et les dégradations en tout genre, le manque de personnel (le "débrouillez-vous avec ce que vous avez " est la règle d'or), les délais invraisemblables pour faire des travaux.
Être directrice de prison, c'est gérer des VIP (autre idée reçue, le quartier VIP n'existe plus, il s'agit au mieux d'isolement pour les plus fragiles ou les plus susceptibles d'être agressés), gérer des suicides malgré la surveillance (mais que faire avec 1 surveillant pour 150 détenus ?), gérer les rats et la corruption de certains matons, gérer les pannes du réseau télé aussi bien que lutter contre le trafic.... de desserts ! A ce sujet, la télé, non elle n'est pas gratuite et elle empêche l'ennui et les pétages de plomb quand on est 5 dans 9 mètres carrés 23h sur 24... avec un malade mental, un fumeur, un drogué, un obsédé sexuel. Le frigo ? Utile quand l'eau froide du robinet est à 38° parce que l'administration l'a décidé ainsi.
Vous ferez comme moi. Vous découvrirez un monde que les reportages télé ont oublié. C'est vraiment tout ce qu'on ne peut pas dire...
Islamistes, détenus non francophones ou totalement fous qui ne devraient pas être là mais en HP...
Être directrice de prison, c'est gérer le voisinage (la Santé est en plein Paris environné de d'immeubles d'habitation et une prison c'est très bruyant ), c'est gérer le suicide de Jean-Pierre Treiber l'assassin présumé de Géraldine Giraud aussi bien que l'arrivée d'un certain Alexandre B. conseiller de l'Élysée. Assumer l'absence de soutien de la hiérarchie quand elle ne vous met pas carrément des bâtons dans les roues.
Au bout de 20 ans de noirceur, de souffrance morale et physique, l'auteure a fait un burn out et elle est partie vers d'autres horizons.
C'est consternant, l'état de nos prisons. C'est honteux, la différence entre le discours officiel et la réalité, l'état moyenâgeux de certains locaux, la possibilité d'être torturé par ses codétenus sans que personne ne s'en rende compte. Ce n'est pas rose, malgré ce que croient savoir certains. Lisez ce récit. C'est fort mais fluide, facile à lire et sans parti pris politique. Un texte utile. Merci à Christelle Rotach.
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