Je suis la maman du bourreau, David Lelait-Helo : Marina
Je suis la maman du bourreau, David Lelait-Helo, Héloïse d'Ormesson (13 janvier 2022) ; 201pages
J'ai découvert ce roman en parcourant les sorties de la rentrée littéraire aux Editions Héloïse d'Ormesson, Maison qui m'est familière car elle constitue l'écrin des parutions des romans de Lorraine Fouchet depuis plusieurs années.J'avoue avoir hésité en lisant la 4e de couverture du roman, le sujet impliquant une affaire de pédophilie au sein de l'église. Mais j'ai décidé de sortir de ma zone de confort et d'aborder cette lecture hors des polars, feelgood et récits que je lis habituellement. Ma décision s'est vue confortée lors de ma rencontre avec l'auteur, à la Librairie Les Nouveautés, Paris 10e. En effet, en échangeant avec lui j'ai compris que plus que le sujet de la pédophilie au sein de l'église, il était surtout question de l'histoire d'une mère envers son fils, une mère dont le monde s'écroule face à la terrible nouvelle qui lui est annoncée. De l'histoire de tout un chacun, qui peut vivre ou avoir vécu auprès d'un monstre (quel qu'il soit) sans en avoir jamais eu conscience ni connaissance..
Dès le début de ma lecture, j'ai été happée par le récit et transportée par le style. Quelle plume ! Quelle dextérité avec les mots.. ce fut pour moi un véritable enchantement. Dès la première phrase il m'a été impossible de le lâcher..
De quoi est-il question ?
Gabrielle de Miremont est une dame de 90 ans qui appartient à la vieille aristocratie catholique. Fière et digne, ne laissant rien paraître de ses émotions comme on le lui a inculqué dès sa plus tendre enfance, elle ne vacille pas lorsqu'un gendarme vient lui annoncer un matin, à sa porte, la mort de son fils cadet, son enfant préféré, celui qu'elle toujours chéri et aimé plus que tout, Pierre-Marie, prêtre de son état. Son émotion, elle la laissera transparaître et la transpercer seulement une fois la porte refermée derrière l'oiseau de mauvaise augure, le porteur de la sombre nouvelle.
Pourtant, c'est quelques jours plus tôt que le monde de Gabrielle de Miremont avait commencé à vaciller, les contours de sa magnifique et luxueuse existence à se fissurer. En effet, le journal local avait laisser filtrer de terribles nouvelles concernant des actes de pédophilie perpétrés au sein de sa paroisse. Comment pouvait-elle ne pas réagir à de telles calomnies, son existence entière s'étant construite sur le dogme de cette église que ses parents lui ont appris à chérir et à placer sur un piédestal. Elle se devait de réagir et de faire jaillir la lumière pour écarter les ténèbres apportées par ces sombres accusations.
Gabrielle est notre narratrice. Nous la suivons au temps présent pendant qu'elle déroule son récit. Le roman qui s'articule sur deux périodes, l'une précédant la mort de son fils et celle qui la suit est extrêmement bien construite et chargée en émotion. Celle-ci va d'ailleurs crescendo tout en nous révélant les tourments et pensées de cette mère qui a perdu son fils préféré, l'être fusionnel dans lequel elle avait placé tous ses espoirs.
Gabrielle de Miremont veut savoir, comprendre ce qui a bien pu se passer au sein de sa paroisse, les actes odieux qui ont été perpétrés et surtout par qui. Le poison de la vérité qui peu à peu se fait jour fait son oeuvre et coule dans ses veines au même rythme que l'encre qui s'imprime sur le papier au fil du récit que nous livre l'auteur. La psychologie des personnages est extrêmement bien travaillée. L'auteur excelle a nous faire entrer dans la peau de son personnage qui voit son monde peu à peu sombrer à mesure que ses certitudes vacillent. Veut-elle vraiment savoir ce qui s'est passé ? Peut-elle entendre toute la vérité ? Rien n'est jamais malsain ni glauque dans ce que l'auteur nous relate.
Son personnage féminin est très fort et complexe dans sa détermination à vouloir connaître la vérité tout en craignant de voir son existence à jamais anéantie. Mention spéciale pour le personnage d'Hadrien à la psychologie très travaillée également. Hadrien, qui fait partie des victimes du bourreau, celui qui aura le courage de parler et dénoncer à la presse est tout simplement bouleversant.
Les révélations du journal et son enquête pour connaître la vérité qui en découle, mèneront-elle Gabrielle de Miremont sur le chemin de la rédemption ou tout droit en enfer ? Peut-on sortir indemne d'un tel tumulte intérieur ? Je ne vous en dirai pas plus car je souhaite ardemment que vous en découvriez les ressorts par vous-même à travers la plume subtile et délicate de l'auteur.
Gérard Collard est lui-aussi conquis par ce magnifique roman.. Il vous en parle ici et affiche son engouement dans sa librairie La Griffe noire :)
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