Toujours vivantes, Nicolas Leclerc : Marina

Toujours vivantes, Nicolas Leclerc

Éditeur : Seuil (25 mars 2022)
Broché : 352 pages ; 19€


Ce polar de Nicolas Leclerc est mené tambour battant et je vous garantis quelques nuits blanches tant il vous sera difficile de le lâcher. 


Je vous en dis plus.


Aïssatou et Sékou ont à peine la vingtaine. Tous deux originaires de Guinée ils parviennent à s'enfuir, caressant le doux rêve de gagner l'Angleterre pour y mener une vie (enfin) meilleure et apaisée. Ces deux là, malgré leur jeune âge ont déjà enduré les pires choses que l'on puisse imaginer. Percutés de plein fouet par la violence des hommes dès leur plus jeune âge -violence tant physique que psychologique- et essuyé de multiples humiliations jusque dans leur chair, subi des viols. 


Dès lors qu'ils se sont trouvés et ont entamé ce long périple ils ne vont plus former qu'un seul bloc et tendre vers leur rêve. Après avoir parcouru l'Afrique et les pays frontaliers, puis traversé la Méditerranée, persuadés plus d'une fois d'y laisser leur peau, ils vont enfin parvenir jusqu'en France. Leur féroce appétit de vivre, leur soif de liberté vont malheureusement être fauchés en plein vol lorsqu'ils braquent un bar-tabac pour en voler la recette et que cela tourne mal. Résolus à s'en sortir, à faire appel à quelqu'un d'extérieur, ils vont se voir contraints de prendre un couple en otage, François, un cardiologue niçois et son épouse Hélène qui semblent former un couple sans histoire mais dont le vernis va commencer à s'écailler dès les premières heures de "captivité".


Nicolas Leclerc nous harponne dès les premières pages et ne nous lâche plus. Nous sommes dans un road trip littéraire comme il aime à le dire. Un road trip oui, mais paradoxalement, la plupart de "l'action" se déroule sur la route dans la voiture conduite par François, une sorte de huis clos donc, ce qui renforce l'intensité de ce qui se déroule dans l'habitacle et de ce qui se joue entre les 4 personnages. Il est impossible de ne pas penser à Thelma et Louise (ayant d'autres motivations) à la lecture du roman qui est d'ailleurs très visuel et cinématographique dans son découpage des chapitres (montés comme de vrais "scènes"/plans).


Au fur et à mesure que la route se déroule devant eux, l'auteur va très habilement nous dévoiler, par le biais de flashback savamment orchestrés, le passé de chacun des protagonistes. Nous découvrirons alors le terrible passé d' Aissatou et ses raisons de fuir la Guinée, la cupidité des passeurs qui les ont dépouillés tout au long du harassant voyage qui les a menés en France. Nul scrupule pour les passeurs mais également pour d'autres "profiteurs" faisant de leur périple un véritable chemin de croix. En opposition à toutes ces situations insoutenables, leur amour est leur seul bouclier. Les ayant soudés jusqu'au plus profond de leur âme, c'est cela qui les fait tenir, les fait rester debout face à l'adversité.


Face à eux, l'auteur nous présente le couple constitué de François et d' Hélène. Lui en pervers narcissique humiliant son épouse qui n'est plus que l'ombre d'elle-même. Elle est totalement éteinte et semble attendre la fin, toute volonté annihilée. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, c'est l'arrivée du couple en cavale dans son existence qui va être l'élément déclencheur, celui dont elle avait tant besoin pour enfin réagir et ne plus se laisser dominer. Et il y a cette rencontre magnifique, celles de Aissatou et Hélène, deux femmes que tout oppose et qui pourtant se comprennent si bien ! Car ce sont bien elles, ces deux femmes, les véritables héroïnes du roman. Leur force, leur combativité, leur volonté de se faire une place dans ce monde sans pitié, chacune en fonction de son vécu.

Avec tous ces éléments, le lecteur comprend très tôt que cette histoire explosive ne peut que se terminer mal (très mal ?). La cavale prend des proportions incroyables, d'autant que les forces de l'ordre sont à leurs trousses et qu'une "chasse à l'homme" a été engagée.


Nicolas pousse le lecteur dans ses retranchements. Nous tournons les pages de façon compulsive, tendus à l'extrême, tout en redoutant de découvrir couché sur papier le final que nous appréhendons tant !


Ce roman est extrêmement puissant et prenant car il entremêle la cavale infernale d' Aissatou et de Sékou bien ancrée dans la réalité et les problématiques d'aujourd'hui. Il nous parle des migrants, des personnages arrachés à leur vie, croyances, famille et terre de naissance pour tenter quelque chose ailleurs, loin de la misère et de la servitude. Mais il nous parle aussi de la violence "ordinaire", celle que l'on ne soupçonne pas chez une certaine catégorie de la population dès lors que tout cela est bien "gardé" derrières les portes closes de leurs belles villas. Il y est question de faux semblant, du paraître, du regard de l'autre.. Fort heureusement il y quand même, une petite "pointe" d'optimisme de la bienveillance qui parvient quelquefois à se frayer un petit chemin dans toute la noirceur du monde...


Une fois le roman achevé et la dernière page tournée, les personnages vont rester un long moment avec vous.. vous n'êtes pas prêts de les oublier, en particulier Aissatou la "guerrière" ! Nicolas Leclerc vient de se tailler une place de choix dans ma PAL (pile à lire) pour mes futures lectures :) 



A découvrir, les deux précédents romans de Nicolas Leclerc :



Commentaires

  1. je partage ton avis, Babelio me l'a envoyé et je l'ai dévoré ! Une très belle écriture, un récit prenant et tellement actuel ! beau billet !

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