REFUGE MOUCHETTE, Inbar Heller Algazi (Yvon)



REFUGE MOUCHETTE, Inbar Heller Algazi
Editions Les Fourmis Rouges, Album 18.5x25
32 pages
Lectorat : 3 ans et plus
Parution : 3 octobre 2025

Un album plein de charme, d'humour et d'enseignements par une auteure et illustratrice allemande de grand talent. On s'en aperçoit tout de suite en ouvrant cet album rigide idéal pour la lecture rituelle du soir. On s'imagine très bien l'enfant blotti contre soi pour mieux profiter des illustrations.

Lou n'en peut plus. Depuis que ses parents ont ouvert chez eux un refuge pour animaux sauvages, elle (ou il, on ne sait pas) n'a plus un instant de tranquillité et de solitude. Vivre avec un tigre sur l'armoire, une girafe qui lit assise dans un fauteuil, promener le crocodile au parc en affolant tout le monde, partager son anniversaire avec un âne etc etc... Lou craque ! Lou qui ne rêve que de calme et d'un chat en peluche ! Alors un jour, elle/il  hurle que c'est assez et s'enferme dans sa chambre pour dormir tranquille. Mais peut-on dormir paisiblement quand on a un éléphant, un zèbre, un ours et d'autres qui sont dans le lit du dessus !


Heureusement, les animaux ont tout compris. Alors ils vont lui faire une belle surprise. Une cabane dans un arbre ! Lou pourra enfin y être tranquille avec son chat en peluche. Mais dites-moi.. qui pointe son nez à la porte de ladite cabane ? Ne serait-ce pas un chat ? Un vrai ?


De l'humour partout, des situations cocasses et adorables. Des illustrations pleine page (ou intégrant un texte court) au trait fin et aux couleurs douces, un texte simple mais pas bêtifiant, une histoire courte et l'occasion de parler du respect des animaux, du respect de l'espace vital de l'autre, de dire quand ça ne va pas. Un vrai plaisir de lecture, je l'ai parcouru en détail deux fois de suite tellement j'ai aimé ça. 

Et vous ? Vous avez aussi un manchot dans votre frigo ?

Merci aux Fourmis Rouges pour cette tranche d'humour et d'amour des animaux.


1/ Dans ce nouvel album, vous abordez un rêve que de nombreux enfants ont, celui d’avoir sa maison remplie de VRAIS animaux. Et pourtant, le personnage principal, Lou Mouchette, n’est pas très heureux de cette situation. Comment vous est venue cette histoire ?

Je pense qu’il y a des rêves qui doivent le rester. On croit parfois réaliser les rêves des enfants - ceux qu’ils expriment explicitement en tout cas - mais cela ne veut pas dire pour autant qu’on répond à leurs besoins profonds. Il y a là une nuance que Refuge Mouchette interroge. Ce ne sont pas nécessairement les parents qui peuvent tout voir, tout entendre. Parfois les besoins des enfants ont des cheminements alambiqués. Parfois ce que les parents peuvent donner, c’est la présence d’autres personnes, d’autres animaux éventuellement, qui peuvent avoir un rôle primordial. Cela aussi est précieux. Et puis, il y a cette envie d'être comme les autres. J’ai grandi dans une famille qui a traversé pas mal de tempêtes et qui était un peu “dans sa bulle”. Je n'avais pas beaucoup de contacts avec les autres enfants. J'étais fière de cette étrangeté, de la richesse de notre petit monde, mais c'était un peu lourd à porter. En écrivant cette histoire j’ai pu essayer de rendre ce poids un peu plus léger et drôle pour l’enfant que j'étais, et lui donner une colère que je n’ai pas pu me permettre.

2/ Cette histoire parle aussi de la difficulté que peuvent ressentir certains enfants à trouver leur place dans leur famille. De quelles œuvres vous êtes-vous inspirée pour parler de ce sujet ?

Je pense que ce projet est avant tout nourri d’histoires que j’ai entendues de vrais enfants (et des adultes qui l’étaient). Quant aux livres, je me suis inspirée des histoires courtes de Tove Jansson, du regard si intime que porte sur les enfants Elena Ferrante, et du regard plus sombre de Claire Keegan. Je pense qu’on peut également sentir dans les dessins mon amour pour les livres Caroline (à ne pas confondre avec Martine). Ma grand-mère avait quelques exemplaires de la série chez elle, je les ai adorés. J'étais fascinée par cette fille indépendante qui voyage seule avec sa troupe d’animaux, sans adultes, tout comme j’ai adoré Fifi Brindacier. Dans Refuge Mouchette, les adultes ne sont pas absents, ce qui éloigne peut-être l’histoire de Lou de ce rêve d’indépendance totale.

3/ Après Le livre de Gill et Flop (2022) et Et si Nono (2024), Refuge Mouchette est votre troisième album publié aux Fourmis Rouges. Pouvez-vous nous dire si des choses ont évolué dans votre manière de créer entre votre premier album et celui-ci ? 

Mon trait s'est en effet transformé ces dernières années. Chaque histoire sollicite une interprétation visuelle qui lui est propre. Après Le livre de Gill et Flop (2022) qui regorge de petits détails, j’ai eu envie de m’imposer la contrainte d’un livre très minimaliste (Et si Nono, publié aux Fourmis Rouges en 2024).Dans Refuge Mouchette, il y aurait peut-être un équilibre entre les deux. Dans cet album, je voulais surtout tester une autre forme de narration. Je voulais parler directement d’un élément délicat de mon enfance tout en restant dans l’humour. J’ai décidé de laisser la narration à Lou, sans préciser si c’est une fille ou un garçon, c’est simplement “l’enfant”. 

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