1793, Niklas Natt och Dag : MGBooks

 




1793, Niklas Natt och Dag
Éditions Pocket,  521 pages
Finaliste Nouvelles Voix du Polar 2020 catégorie Étranger

Roman historique puissant aux ressorts inventifs, qui sort des sentiers battus. 

 

De quoi ça parle ?

Nous sommes en 1793, à Stockholm en Suède. Un corps atrocement mutilé est repéré puis repêché dans le lac Fatburen. Qui s’en soucie ? Cette découverte macabre ne fait ni chaud ni froid à qui que ce soit. Seules deux personnes, portées par les événements vont se retrouver mêlées à cette affaire et vont cheminer de concert pour faire jaillir la vérité. Michael Cardell « boudin » de la Garde rapprochée, vétéran de guerre qui y a laissé un bras et souffre depuis lors de douleurs liées à son bras fantôme. Le second justicier,  Cecil Winge, juriste à l’esprit brillant mais que la faucheuse semble ne pas quitter des yeux, tout en aiguisant sa faux, attendant l’heure de venir récupérer cet être malade, rongé par la tuberculose. Cardell est celui que l’on a envoyé chercher au moment de la découverte du corps, Winge, celui à qui le Chef de la Police demande d’élucider cette affaire.

Très original dans sa construction, le roman se présente en 4 parties qui compartimentent l’année selon ses saisons. L’ambiance en cette année et en ces lieux est glauque, la misère suinte de partout. Au loin la France prend des allures révolutionnaires pendant que la Suède lance des ses troupes dans des guerres sanglantes dont les enjeux semblent sans queue ni tête. 

Les descriptions faites des lieux insalubres sont quelques fois à la limite du soutenable. Il en est de même de la façon dont est dépeinte la découverte du mort dans le fleuve. Il vaut mieux avoir l’estomac bien accroché ! 


Vous l’aurez compris l’époque n’est pas « folichonne » pour le bas peuple. Les hommes boivent comme des trous (pour oublier la misère?) et la prostitution est monnaie courante. L’alcool et le sexe (tarifé ou non) semblent donc être les remèdes les plus accessibles à la population pour oublier sa condition. La prostitution quant à elle sert de paiement en tout genre et assure la maigre subsistance de toute une flopée de jeunes femmes ou femmes mûres en mal de travail.  Bien entendu, en fonction du niveau de vie de chacun, les deux éléments pré-cités seront plus raffinés (alcool subtils et millésimés, lupanars de luxe aux pensionnaires triées sur le volet).


L’église forte de son rôle prédominant ne compte malheureusement parmi ses représentants que peu d’hommes de foi « orthodoxes » (si je peux me permette ce mauvais jeu de mot). Dès lors on peut se demander vers où tous ces pauvres gens, ces pauvres âmes pourraient bien se tourner ?

L’auteur nous décrit la misère, la bêtise humaine profonde et crasse. 


Nous faisons connaissance avec un jeune homme qui s’appelle Blix. Insouciant, buveur et fêtard,  il se prend à rêver qu’il deviendra chirurgien et ça démarre plutôt bien pour lui. Mais encore une fois, le destin se joue de notre personnage et son existence qui semblait prendre un beau tournant va basculer du côté le plus sombre que l'on puisse imaginer. 


Nous découvrons ensuite Anna, adolescente timide et introvertie qui vit au côté de sa mère fragile. La fatalité va de nouveau s’en mêler et Anna va être condamnée pour un fait de prostitution qu’elle n’a pas commis, elle va être condamnée à une peine à purger dans un bagne. 

En ce temps-là, quand on est condamné à une peine de prison, et que l’on est une femme, beaucoup avouent vouloir préférer la mort, car plus rapide et plus douce. Au lieu de cela, les prisonnières sont assommées de travail, à outrance, au sein d’un « camp » dirigé par un homme au sadisme poussé à son paroxysme. Anna va s’y frotter. Et devant le destin funeste qui l’attend, elle n’aura de cesse de trouver une solution pour en réchapper. Y parviendra-t-telle ?


Une jeune femme qui ne croit plus en rien ni à la vie ni à un possible futur. Aura-t-elle droit à une seconde chance?


Les pages s'égrènent et nous avons de plus en plus peur pour Winge dont la santé est plus que vacillante. A chaque fin de page nous craignons que l’enquête ne tourne court et retenons notre souffle dès qu’une quinte de toux le laisse exsangue et sans force. 


L’auteur est diabolique et ne nous laisse aucun répit. Une fois ses trois « histoires » mises en place, c’est dans la quatrième partie que tout prendra sens. Les chapitres s'enchaînent, les destinées s’emmêlent et s’imbriquent, nous pensons y voir de plus en plus clair et nous diriger lentement mais sûrement vers le bout du tunnel et la résolution de l’énigme. Bien entendu il n’en est rien. L’auteur est sans pitié et joue avec nos nerfs. Nous assistons impuissants aux mauvaises rencontres des uns, aux rebondissements multiples qui mettent les autres en danger.

Chacun tente vaillamment de s’en sortir mais le destin prend un malin plaisir à se jouer d’eux. 


Dans cet enchevêtrements d’existences peu reluisantes Winge et Cardell traquent sans merci le tueur et sont sidérés par la monstruosité qu’il recèle en lui. C’est au delà de l’imaginable, c’est abominable... je ne vous en dis pas plus, vous vous forgerez votre propre opinion.


J’ai trouvé ce roman très original car il y est question aussi de rédemption, de jugement des uns envers eux-mêmes ou envers la société. De puissants qui ne cherchent que plus de puissance à chacune de leur pseudo victoires. De souverains toujours plus âpres aux gains qui laissent leurs sujets mourir sur des champs de bataille transformés en boucherie et qui laisseront des traces indélébiles dans les existences de ceux qui s’y sont trouvés.

Mais ne vous trompez pas, il y est aussi question d’amour. D’amour filial, d’amitié virile. De promesses faites et tenues. Il y est question d’honneur et de dignité au milieu de tout ce marasme. Et surtout surtout, la lumière semble poindre au bout du chemin pour nos héros à mesure que le nombre de pages du roman diminue.


Le seul petit bémol (mais tout petit petit..) a été de devoir passer le cap des noms suédois.. (nom de certains personnages, mais surtout noms des lieux). Mais ce n’est qu’au début car très vite, pris par l’action, on ne fait même plus attention !


Retenez bien le nom de cet auteur car le roman qu’il nous livre est pour moi une véritable pépite, c’est un gros coup de coeur !


La « suite » 1794 n’est pas encore traduite en français, il faudra donc attendre - sauf si vous lisez et comprenez couramment le néerlandais, bande de petits veinards- ! LOL 

A lire, la magnifique chronique d'YvonS


à venir....

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