Vous n'aurez Pas ma haine et La vie, après ; Antoine Leiris : MGBooks


Vous n'aurez Pas ma haine, Antoine Leiris

Le Livre de Poche (4 janvier 2017)

128 pages, 3,90€


Cela fait un petit mot moment que j'ai acheté cet opus d'Antoine Leiris, sans parvenir à l'ouvrir pour le lire. J'avais été chamboulée par la lettre qu'il avait écrite et publiée sur Facebook quelques jours après le décès de son épouse lors des attentats perpétrés au Bataclan le 13 novembre 2015. Mais, malgré toute cette émotion suscitée par la lecture de sa lettre, j'avais jusqu'alors manqué de courage, me tournant lâchement vers des lectures plus ludiques et plus "fun". Pourtant, au fond de moi, je savais que je devais lire ce récit, comme une sorte d'hommage à ceux qui ont succombé, comme un devoir de mémoire.. car on dit très justement, que personne ne part vraiment tant que l'on peut se souvenir de lui ou d'elle. Hier, j'ai trouvé ce courage, celui de me dire qu'il était temps, qu'il me fallait découvrir ce qu'Antoine Leiris avait voulu partager en écrivant ce texte.


A ceux qui s'attendent à une description minutieuse des faits, avec détails sanglants et morbides, je leur dis de passer purement et simplement leur chemin. Les médias, lors des événements ont amplement fait cela, remâchant en boucle les événements en y ajoutant, à chaque nouveau cycle, davantage de détails, d'éléments morbides et sordides, tout cela dans le but de maintenir un public sous le choc et l'emprise de leurs informations et leurs images. Antoine Leiris nous livre un roman tendre, bouleversant qui démarre le jour où il apprend la terrible nouvelle. Il y a la vie juste avant, celle de l'insouciance puis, celle d'après le 13 novembre 2015. L'insouciance d'une soirée à la maison qui, d'un seul coup est anéantie par les appels de proches, des messages qui s'empilent sur sa messagerie .. qui le laissent perplexe, puis K.O debout, dans son salon. Tous ces messages successifs, le décideront à allumer son poste de télévision et c'est à ce moment là qu'il prendra conscience de l'ampleur de l'indicible, de ce qui vient de se dérouler.. L'impensable s'est produit, c'est à ce moment là que sa vie et celle de leur fils Melvil, âgé de 17 mois, a basculé à jamais.


Antoine Leiris ne décrit pas les événements, n'en parle pas en détails. Ce n'est pas le but de son récit. Il est un homme, un mari, un père qui, d'un seul coup voit sa vie qui s'écroule. Il nous raconte d'une plume délicate ses sentiments à fleur de peau ; sa colère, sa peine, ses doutes..  Il est seul à présent, face à sa douleur, face à la noirceur, l'obscurité, le deuil, seul pour élever leur fils qui, du haut de ses 17 mois est trop petit pour se rendre compte de ce qui se passe.

Il nous parle de ce qui le fait tenir debout, de comment il s'organise, de tout et des petits riens de l'existence. Sa vie vaut-elle d'être vécue ? Toutes les questions qu'il se pose. Il pourrait décider de se laisser aller, de tout planter, oui mais comment le pourrait-il lorsqu'il croise le regard de son fils qui n'a plus que lui. 

Antoine refuse que les responsables des attentats, en plus de lui avoir enlevé son épouse, le prive de sa liberté et le cantonne à la peur pour le restant de ses jours ainsi que pour son fils. Il leur refuse ce droit là. Il tente de déjouer les pièges de la vie courante, les situations qui font mal, qui vous laisse en proie aux affres de la solitude, de la douleur.


Il nous conte également les gens qui pensent bien faire mais dont le comportement ne fait qu'accentuer votre mal être. Il ne veut pas les décevoir, pas leur faire de peine, car dans la majorité des cas, leur intention est pure. Antoine a décidé de rester debout, pour lui, pour son fils. Il a besoin d'expulser ses mots, de les coucher sur le papier pour se débarrasser de toutes ses émotions qui l'étouffent. Les mots, une fois libérés ne lui appartiennent déjà plus. Les laisser jaillir aura été salvateur. Ça l'a aidé, ça aidera son fils le jour où lui aussi voudra et pourra les lire. Ça aidera peut être et sûrement d'autres personnes, elles aussi victimes d'attentats, victimes collatérales, faisant partie de ceux qui restent, ceux qui s'en sont sortis. Mais après avoir vécu la perte d'un être cher, peut-on dire que ceux qui restent s'en sont sortis ? Une partie de leur être, de leur âme, n'est-elle pas morte et perdue à jamais depuis ce soir là ? Dès lors, comment faire pour continuer à avancer ? C'est avec beaucoup de pudeur que l'auteur nous partage son histoire et celle de Melvil. Loin de se poser en donneur de leçons, il raconte avec simplicité et beaucoup de sensibilité et de délicatesse comment les choses se sont déroulées pour eux.

Un récit à découvrir d'urgence !



La vie, après, 
Antoine Leiris

Pocket, 160 pages (15 octobre 2020)


Antoine Leiris a pris le temps avant d'écrire ce deuxième récit. Car il lui fallait se poser, organiser sa vie et celle de son fils.. mais aussi tout simplement car les mots n'étaient pas venus avant. Rien de concret, tangible pour raconter leur histoire jusqu'au moment où parler de l'après s'est imposé comme une évidence. Comme on le comprend à travers le titre et de la façon dont il l'exprime lui-même : il y a une vie avant le 13 novembre 2015 et une vie après. 


C'est ce que l'auteur a choisi de nous raconter dans ce récit poignant, et bouleversant. Il évoque leur vie à deux, après les événements sur la période allant de 2016 à 2018. Il nous relate les petits riens du quotidien, de ceux qui font que l'on continue à avancer, en mettant un pied devant l'autre sans chercher à voir plus loin. Antoine est à la fois un homme, un père mais aussi une mère "de substitution". Il élève son fils en faisant du mieux qu'il peut. Melvil a grandi et Antoine ne lui a encore rien raconté du terrible événement survenu en 2015. Il lui laisse le temps de grandir, chercher à comprendre, et quand il sera prêt, de poser des questions. Entre temps, Antoine leur a créée un cocon, un nid dans lequel ils se sentent bien et évoluent en toute sécurité. Dans ce roman, point de haine, d'esprit revanchard, d'apitoiement. Antoine nous laisse entrer dans leur intimité, dans leur quotidien, en nous disant "ne vous inquiétez pas, on va bien.. on continue". 


Ce récit est beau, très fort en émotion. Il a puisé la force de continuer dans les mots qu'il a couchés sur le papier. Au départ il s'est érigé en rempart pour son fils Melvil afin que l'extérieur et ses dangers ne puissent plus les atteindre ni leur faire de mal. Puis, ce récit nous fait suivre son cheminement, ses réflexions au fil du temps jusqu'à la compréhension qu'il n'est certes pas question d'oublier Hélène, son épouse, la mère de Melvin, mais que la vie reprend ses droits et qu'ils doivent poursuivre leur route et vivre. Aucune trahison en cela, Melvil est à présent un petit garçon de 5 ans qui a la vie devant lui, qui se construit et se nourrit de tout ce qui l'entoure, aidé et épaulé en cela par son père aimant et dévoué. Antoine en tant que père l'aide dans sa construction et son développement chaque jour en lui livrant des pans entiers de son histoire, que ce soit de son enfance ou de sa vie d'adulte. En lui parlant également beaucoup de sa mère, de son histoire à elle-aussi. Il explique à Melvil ses racines, son origine et donne corps à sa propre histoire naissante. Le thème de la passation prend ici tout son sens.


Antoine et Melvil sont des survivants. Ils se soutiennent, sont là l'un pour l'autre. Antoine a choisi d'élever son fils dans la lumière et non dans la haine. Le temps des questions viendra, des explications.. mais ce sera pour plus tard.. pour l'instant ils sont tout l'un pour l'autre et continuent à avancer, un père et son fils à ses côtés, main dans la main.



A lire également sur le blog : 

- Le Lambeau, Philippe Lançon, d'YvonS

- Vous n'aurez pas ma haine et La vie, après ; YvonS


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