Bleu silence, Jean-Michel Audoual : Marina

 


Bleu silence, Jean-Michel Audoual

Éditeur : EYROLLES (7 octobre 2021)
Broché : 238 pages, 16 euros

En lisant la thématique figurant sur la 4e de couverture certains d'entre vous (moi la première) pourraient prendre peur. Il ne faut pas, car l'auteur a su aborder le thème de la souffrance et de la violence avec beaucoup de finesse et d'intelligence. Point de sensiblerie ni de pathos. C'est un roman tout en délicatesse et en pudeur pour aborder le problème qui se veut être tout sauf une fatalité.


Suivez-moi, je vous raconte tout cela.


Mickaëlla, Mick pour les intimes est une enfant mutique. C'est ainsi depuis sa naissance. Ses parents lui ont fait passer tout un tas d'examens. Côté "mécanique" tout est en place et fonctionnel sauf que les mots ne parviennent pas à franchir la barrière de ses lèvres. Pourtant les mots, elle les aime.. elle les entend, les retient, les note, surtout les compliqués qui constituent pour elle de véritables trésors. Elle cherche leur signification, aime leur sonorité mais pour l'instant ils sont cadenassés à l'intérieur d'elle-même attendant le jour où ils pourront enfin éclore comme des bulles de savon et jaillir de sa bouche. Ce moment elle y pense avec une grande impatience et le visualise très régulièrement lorsqu'elle court se cacher dans sa chambre... Cet instant où elle pourra parler à sa mère et lui dire à quel point elle l'aime et de quelle façon la situation que toutes les deux vivent à la maison lui pèse, comme une enclume qui serait posée sur sa cage thoracique.


Car toutes les deux vivent un véritable enfer dès qu'elles sont entre les murs de leur "maison". En effet, le père de Mick, Franck est un être dur, brutal, violent envers sa femme et régulièrement sa fille (lorsque sa mère ne parvient pas à s'interposer). Il tourne chaque situation à son avantage et au moindre événement qui lui déplaît il se met dans des colères noires et s'en prend violemment à l'une d'entre elles. Il est froid, calculateur et manipulateur, et n'a pas son pareil pour faire naître en Mado et Mick un sentiment intense de culpabilité qui les tétanise.


Grand-père Michou, le père de la maman de Mick est le seul rayon de soleil de leur vie. il soutient sa fille comme il le peut et ne manque jamais une occasion de s'occuper de sa petite fille, de jouer avec elle, de lui faire découvrir de nouvelles choses. En particulier les mots et les expressions dont il est le "gardien". Il prend un plaisir immense à les lui faire découvrir. Il aimerait faire plus, tellement plus, pour aider sa fille et sa petite fille qu'il voit sombrer un peu plus chaque jour.


Lorsque Grand-père Michou offre un perroquet à Mick la vie de celle-ci s'embellit quelque peu. Oui mais voilà, grand-père Michou n'est pas présent dans le foyer tout le temps. Et c'est en l'absence de témoin que Franck, sournoisement, aviné, et de ce fait avec des forces décuplées s'en prend à Mado (la maman) et à Mick. La souffrance est immense, la peur latente, l'angoisse de chaque instant, mais la honte est la plus forte, celle qui paralyse et empêche de parler, de dénoncer, de verbaliser une situation intolérable. Je parle bien entendu de Mado, la mère de Mick car quant à la petite fille, son statut de mutique arrange bien les affaires de son père !


Comment Mado et Mick vont-elles pouvoir se sortir de cette spirale infernale ? Parviendront-elles à le faire avant qu'il ne soit trop tard ? C'est la question que se pose Grand-père Michou dès qu'il les laisse seules. De même que la soeur de Mado et son mari, les "parents" les plus proches.


La thématique de la violence est abordée au sens large du terme : elle peut en effet revêtir bien des aspects tant verbaux que physiques. A la brutalité sans borne de ce père que Mick juge répugnant, l'auteur a opposé toute la beauté du monde de Mick. Son monde de mots, de couleurs, de sensations.. véritable cocon salvateur qui la protège autant que cela est possible de la noirceur et cruauté de son géniteur.

L'auteur nous interpelle également sur la responsabilité des personnes qui assistent à ce genre de situation et ne font rien. Soit par peur, par lâcheté, ou tout simplement parce que la personne concernée ne veut pas les écouter ou les laisser intervenir. Dès lors qu'est-il véritablement possible de faire ? Cette complicité passive est atroce pour la famille proche qui est bien consciente de la dangerosité de la situation et prie chaque jour pour que rien d'irrémédiable ne se produise.


Mais cette histoire se veut surtout positive. En nous relatant l'histoire de Mick, l'auteur veut dénoncer ce genre de situations intolérables et surtout nous montrer la lumière au bout du chemin. A savoir qu'il existe des solutions, que même si cela demande un courage herculéen, il faut verbaliser, il faut s'exprimer, en trouvant sa propre façon de le faire. Cela vaut aussi quand cela ne se produit pas dans notre propre vie mais que nous sommes témoins de ce type de situation.


Je remercie vivement l'équipe de Babelio qui m'a permis de découvrir cet auteur et son roman bouleversant. J'ai hâte d'être au 8 octobre, date de la rencontre/conférence avec Jean-Miche Audoual afin de l'entendre évoquer le contexte d'écriture de cette histoire, et répondre aux questions du public présent.



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