Troll me tender, Sophie de Villenoisy : Marina
Troll me tender, Sophie de Villenoisy Éditeur : Eyrolles (3 février 2022)
Broché : 204 pages
©MGBooks33
Avec Sophie de Villenoisy c'est une "longue" histoire... LOL... Auteure que j'ai découverte avec son roman très drôle et incisif Joyeux suicide et bonne année, et avec qui j'avais eu la chance d'échanger au salon de Saint Maur en Poche. La reine des quiches, puis Courage rions, m'avaient tout autant séduite. Je remercie donc Eyrolles de m'avoir permis de découvrir son tout dernier opus : Troll me tender.
De quoi est-il question ?
Amandine Doucet est une jeune professeur de français. Agée de 24 ans, parachutée dans un collège dit "sensible" de la banlieue parisienne, elle a bien du mal à faire sa place et à se faire respecter par ses élèves. Fraichement débarquée de sa Normandie natale, vivotant dans un studio riquiqui, la désillusion d'Amandine est énorme. Elle essaie tant bien que mal de "tenir" le coup, jour après jour en se disant que ses cours serviront peut-être un jour, à un pourcentage certes très faible de ses élèves, à les aider à s'en sortir et, soyons fous, pourquoi pas réussir dans la vie (vous aurez cerné l'ironie de mon propos) !
Mais au fil des jours, sa tâche lui semble un peu plus titanesque et le mythe de Sisyphe prendre de plus en plus de place dans son quotidien professionnel. C'est alors que, forte d'une discussion avec ses élèves, cette dernière découvre l'univers des réseaux sociaux : un monde nouveau s'ouvre à elle, où influenceurs, stars de la téléréalité etc... semblent mener une vie de rêve en gagnant des fortunes tout en abêtissant les milliers de followers à qui ils "vendent" des strass et des paillettes. Des hordes de jeunes -un peu décérébrés selon Amandine- un peu à la dérive qui n'y voient là qu'une occasion d'échapper à leur quotidien ordinaire voir sordide. L'enseignante se laisse prendre au jeu et jette son dévolu sur Sandra Faitout, une influenceuse qui incarne, à elle seule, le mal responsable de la déchéance intellectuelle qui torpille la jeunesse dont elle a la charge (dans son esprit toujours).
Sous couvert d'anonymat la petite "plaisanterie" à laquelle celle-ci voulait s'adonner se transforme vite en addiction et se révèle à double tranchant, laissant percevoir une face sombre et avilissante de son caractère.
Avec ce roman Sophie nous montre une réalité d'aujourd'hui, une "tranche de vie" dans un lycée. D'un côté des adolescents dans leur vie à l'école qui se cherchent et veulent tout simplement comprendre qui ils sont. Et de l'autre un monde "factice", celui des réseaux sociaux, du bling bling, faux semblant... Vie et argent facile, tout cela brille de mille feux et attire ces jeunes tels des pies en présence de bijoux ou d'objets éclatants. Dans cette réalité virtuelle qui fascine tant la jeunesse, l'Education se devrait être le garant, garde fou dont la présence peut les aider, les guider pour passer le cap et entrer dans l'âge adulte. Mais cela est-il vraiment réalisable ? Quand on connaît le nombre (toujours croissant) d'élèves par classe et le manque cruel de moyens dans certains établissements...
Dès lors on peut se demander si la jeune professeure n'est pas trop jeune pour exercer son métier, confrontée à des étudiants à peine moins âgés ? En tant qu'enseignante, ne pêche-t-elle pas par excès de confiance (en son statut), en pensant être forcément du bon côté et savoir ce qui est bien et juste pour les élèves ?
Une histoire douce amère, dont l'adage pourrait être "tel est pris qui croyait prendre". Amandine ayant joué avec le feu et se retrouvant tout à coup du "mauvais" côté. A vouloir se poser en tant que moralisatrice, investie d'une mission, de son bon droit, elle est passée à côté de la plaque. Ses illusions perdues, l'ampleur de la tâche bien trop grosse finira-t-elle par l'aspirer, lui voler son âme ? (trop) jeune dans la profession, se retrouvera-t-elle broyée par le système, désabusée et déchue de l'aura que son rôle de professeur aurait pu lui octroyer ?
La morale permettra-t-elle de constater que quelqu'un ayant la vocation soit ainsi détourné de son chemin ? Quelqu'un qui aurait pu changer un peu les choses...
Vous l'aurez compris, l'auteure ne juge pas mais pose des thématiques et se place tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Elle nous fait nous poser des questions sur qui devrait endosser le rôle de devoir préserver ce fragile équilibre entre le bien et le mal, l'argent facile et les valeurs inculquées. Parents démissionnaires souvent, enseignants démunis, vous refermerez ce roman avec beaucoup d'éléments vous trottant dans la tête. J'ai trouvé cette lecture très intéressante de par les situations qu'il dépeint et les questions qu'il soulève. Un roman qui fait réfléchir donc.. et ça fait du bien !
Cela m'a ramenée à ma découverte récente du roman DOPAMINE de Patrick Bard (en ce qui concerne la partie sur les réseaux sociaux et la jeunesse un peu "perdue" d'aujourd'hui).
A retrouver sur le blog :
- Joyeux suicide et bonne année !
- Dopamine, Patrick Bard
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