UN LUNDI DE PENTECOTE, Patricia Delahaie : Yvon

UN LUNDI DE PENTECOTE, Patricia Delahaie

Editions Belfond Noir, 364 pages 
Broché

J'attendais avec impatience cet opus sur un sujet délicat : l'affaire Ranucci. Pour les petits jeunes qui n'étaient pas nés en 1974, Christian Ranucci fut accusé, condamné et exécuté pour le meurtre d'une fillette de 8 ans. Sa culpabilité fait encore débat aujourd'hui. Partisans et opposants à la peine de mort s'affrontent sur ce cas, l'un des trois derniers gui.llotinés français.

Dans un avant-propos, Patricia Delahaie explique le pourquoi de ce livre, les libertés prises avec la réalité, ses choix littéraires et sa volonté d'en faire "son" affaire Ranucci en se penchant sur un aspect négligé jusque là : la relation mère-fils de ce jeune homme déconcertant. Le roman affronte deux textes dans des polices de caractères différentes. D'un côté, nous sommes dans la tête du personnage principal, ses pensées, ses tentations, "l'Ogre" qui est en lui, cet Ogre qu'il maîtrise avec tant de mal. De l'autre, le récit plus classique de ce qui se passe.

Loïc a un rapport fusionnel avec sa mère. Elle le couve. Elle est un peu originale cette femme qui a fui un mari violent et qui fuit encore et encore, déracinant sans cesse son fils, son petit dieu. Et en ce lundi de Pentecôte 1974, à Marseille, Livia 8 ans disparaît en compagnie d'un homme qui lui a demandé de l'aider à retrouver son chien. Père affolé, petit frère qui se sent coupable, mère effondrée, cette famille de gens simples voit son monde s'écrouler. D'autant que quelques heures plus tard on retrouve à une vingtaine de kilomètres de là le corps de Livia. Patricia Delahaie retrace l'enquête rapide et l'arrestation de Loïc. Et puis Loïc et ses pensées.. ses souvenirs, ses mensonges aux policiers, à lui-même. Coupable ou pas ? Difficile à dire. Parfois il l'est, parfois non. Il a tué ? Si on le lui dit, c'est que ça doit être vrai. Patricia Delahaie nous raconte la froide machine judiciaire, la prison, les flics sûrs d'eux, et puis les avocats, les profiteurs, les journalistes. Et puis les humains, ceux qui ne crient pas "à mort" avec la foule haineuse, qui voient en Loïc un très jeune homme perdu, immature, peut-être innocent, peut-être pas. Et Loïc .. qui protège-t-il ? lui-même ou sa mère ? Je ne suis pas un sa.laud, dit-il. Bizarre.. comme formulation. Il ne dit pas : je suis innocent. Mais je ne suis pas un sa.laud...

Des pages bouleversantes. La panique du père de Livia, sa douleur effroyable quand il reconnaît le corps, l'exécution de Loïc insoutenable elle aussi. La froideur des rites qui mènent à "couper un homme en deux" comme disait Badinter...
On ne peut pas lâcher ce livre. On sait comment ça finit mais Patricia Delahaie ne nous lâche pas non plus. On veut connaître LA vérité. Celle de l'auteure ? celle de Loïc ? celle des journaux ? de la foule haineuse ? celle de la mère de Loïc ? celle des parents de Livia ?

L'auteure n'a pas fait une nouvelle version du Pull-over rouge, ni une contre-enquête. C'est un roman. Un roman qui explore l'humanité des uns, l'inhumanité des autres, l'âme d'un tout jeune homme peut-être as.sassin. Elle ne défend pas un pé.dophile mais elle raconte un jeune homme perdu. Un meurtrier probablement, un monstre peut-être pas. 

Et cette question toujours sans réponse : et si on s'était trompé ? si on avait déc.apité un innocent ? La peine de mort dans ce cas est-elle encore justifiable ?

Edouard Brane

A retrouver sur le blog :

- Auteure à la page
La faussaire

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