Ce qu'il faut de haine, Jacques Saussey : Marina

Ce qu'il faut de haine, Jacques Saussey

Éditeur ‏:Fleuve éditions (12 octobre 2023)
Broché ‏: 400 pages
© MGBooks33


MA-GIS-TRAL est le mot qui me vient à l'esprit, quand je referme le roman de Jacques Saussey. Un polar comme on les aime, noir, très noir, corsé (non, il n'est point question de pause café LOL) et troublant.

Car il est ici question de secrets, de non-dits et de haine, surtout. Une haine profonde et viscérale, bien glauque et rance, car elle a macéré pendant de nombreuses années avant de pouvoir éclore (tout un programme....).

Déjà conquise par L'aigle noir, le précédent opus, je me suis délectée de celui-ci. Bravo à l'auteur, pour cette très belle réussite.

 

Venez, je vous explique de quoi il est question.

 

Alice Pernelle est étudiante. Des cours nombreux, intenses et prenants qui la poussent à une seule chose lorsqu'elle passe le week-end chez ses parents.. courir. Enfiler sa tenue de sport et aller se défouler, se vider la tête sur les chemins de traverse de son village natal de Pierre-Perthuis, petit hameau du Morvan. Ce jour-là, en arrivant près de la Cure, la rivière qui traverse le village, la jeune fille tombe sur un tableau macabre et glauque qui va lui faire rendre son petit déjeuner. Un corps sans vie écartelé et dans un état de décomposition fortement avancé. C'est son chien qui a débusqué le corps attiré par la forte odeur dégagée par le cadavre. Une fois l'identification effectuée, la victime s'avère être une femme très dure, impitoyable dans son métier, devant se charger d'écrémer le personnel pour le compte de sociétés souhaitant assainir leur budget. Sur cette affaire, étant donné les lieux des exactions, police et gendarmerie locale vont devoir collaborer. Or, plus les enquêteurs avancent dans leurs investigations plus les pistes se font maigres. Les habitants se ferment, aucun témoignage ne semble vouloir faire avancer l'enquête concernant cette femme étrangère au village. Va alors débuter une enquête longue et fastidieuse. Chaque élément devant être examiné, chaque maigre piste exploitée. Et si le tueur avait tout simplement réussi le crime parfait ? Une telle connaissance du terrain n'implique-t-elle pas quelqu'un du coin ? Dès lors, Alice Pernelle, hantée par la vision du corps retrouvé et voulant connaitre la vérité ne se met-elle pas en danger en furetant de son côté au mépris des recommandations policières ? Le tueur, la devinant de plus en plus dangereuse, ne risque-t-il pas de prendre peur ? Je vous laisse voir par vous-même. Sachez que vous n'êtes pas au bout de vos surprises dans ce polar haletant de Jacques Saussey !

 

Comme je vous le disais en tout début de chronique j'ai adoré le roman. On ne peut pas imaginer, en voyant Jacques, si chaleureux, souriant et charmant dans les salons, en dédicace, qu'il soit capable d'imaginer des situations aussi incroyables et terribles pour nous au sein de ses polars ! L'auteur est un maître du genre et sait exactement là où il souhaite nous emmener et comment nous piéger. Et, soyons honnêtes, nous autres petits lecteurs, adorons nous faire avoir de la sorte !

 

J’ai beaucoup aimé tomber dans son premier piège à un moment clé du roman (vous verrez) et me rendre compte que toutes mes hypothèses étaient bonnes à jeter. Dès lors il me fallait revoir toutes mes déductions et envisager l'histoire sous un angle bien différent. L'originalité du roman réside également, selon moi dans le fait que nous avons trois points de vue : celui d'Alice, la jeune femme ayant découvert le corps et qui aimerait mener sa propre enquête, notre duo de flics, l'un gendarme local tendance dandy et l'autre, flic fonceuse, dynamique au flair aiguisé mais également un troisième, à la première personne, pour permettre au lecteur d'être totalement imprégné du récit, celui de l'assassin. Ce dernier froid, déterminé, méthodique, assène ses vérités, ses réflexions et expose son ressentiment avec une froideur à glacer le sang.

 

Le décor est magnifique, et se prêterait volontiers à une petite escapade bucolique .. mais il n’en est rien. Ce si bel endroit, prisé par les touristes se transforme en lieu sordide et glauque, écrin nauséabond du cadavre qu'Alice trouve sur son chemin. Les lieux nous intéressent d'autant plus qu'il s'agit de la région où l'auteur réside. Il connait très bien ce département de l'Yonne. En faisant ses repérages, il a trouvé l'endroit idéal pour y situer son intrigue : un lieu sauvage (sous un aspect accueillant), humide, enclavé -le rendant ainsi difficile d'accès-.

 

Un autre aspect qui m'a beaucoup plu dans le roman concerne le duo d'enquêteur. Une collaboration police/gendarmerie qui ferait rêver n’importe qui (surtout Olivier Norek LOL - private joke-) avec un gendarme aux allures "vieille France", limite dandy très efficace et une jeune flic déterminée, jusqu'au-boutiste, dotée d'une très forte intuition. Ce tandem nous plait d'emblée et nous n'espérons qu'une chose... que l'auteur ait déjà en tête une future collaboration, une nouvelle enquête pour ces deux-là. (.. qui sait ?)

 

Alors, l'assassin va-t-il réussir à filer entre les doigts de notre équipe flic/gendarme ? Son plan machiavélique, ourdi de longue date, va-t-il fonctionner sans causer trop de dommages collatéraux ? L'auteur a construit un roman sur la mécanique implacable de la haine, des secrets bien enfouis au cœur de chaque communauté. Cette haine est-elle légitime ? La victime méritait-elle son funeste destin ? Je vous laisse le découvrir en dévorant le roman brillant de Jacques. Gérard Collard l'a tout récemment encensé dans son émission littéraire.. En fin de lecture, vous serez d'accord avec lui, j'en suis certaine !

 

NB : Accrochez-vous, en ce qui concerne la scène de crime, elle est gratinée (si je peux m’exprimer ainsi LOL) -pourtant je lis beaucoup de polars- Je préfère vous prévenir (Jacques a fait fort -où va-t-il chercher tout ça ? :-)


© Radio France Delphine Martin

A lire également sur le blog :

La première à Auvers, 12 mars 2023

BONUS : petite vidéo de l'auteur 
qui vous parle de son roman, c'est ICI

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