Ainsi Berlin, Laurent Petitmangin : YvonS
" Pas un matin sans qu'un immeuble tombât en décombres, frappé par la résonance de la guerre. C'étaient les matins, les murs faisaient comme les hommes, et se résignaient à l'aube après avoir lutté toute la nuit."
Éditions La Manufacture de Livres, 268 pages
Broché, 18€90
Tout d'abord, merci à La Manufacture de Livres pour ce service de presse attendu avec impatience tant j'avais aimé (parmi les premiers et avant l'avalanche de prix littéraires) "Ce qu'il faut de nuit". Je retrouve avec bonheur la qualité d'édition, le beau papier et les photos de couverture de cette maison. Et le compliment est sincère !
Mais revenons à l'essentiel. L' auteur et son livre...
S'il en était besoin, il confirme ici tout le talent qu'on lui connaît. Trois personnages forts et étonnants : deux femmes et un homme dans le Berlin de l'après-guerre puis de la RDA. Ou comment on bascule de la dictature nazie dans la dictature communiste. Käthe, responsable du Parti, ex-résistante, se lance dans un projet qui ressemble beaucoup au Lebensborn nazi : donner naissance à une élite allemande. Ici des cerveaux surdoués pour redresser le pays, en enlevant à leurs parents toute une génération d'enfants. L'héroïne est imaginaire mais le projet bien réel, il fut découvert à la chute de la RDA. Gerd, son compagnon, amoureux fasciné, soumis parfois, lutte contre la honte d'être Allemand tout en l'assistant dans ce projet puis dans ceux qui suivront. Gerd navigue aussi entre les deux Berlin et tombe amoureux de Liz, architecte américaine chargée de reconstruire la ville ravagée.
Toute sa vie ou presque, il hésitera entre ces deux femmes, ces deux vies, l'Est et l'Ouest. Même quand Liz et lui feront passer des courriers d'un côté à l'autre, puis lorsqu'ils oseront des choses plus dangereuses. Ne croyez pourtant pas être dans un thriller d'espionnage. Ici l'important ce sont ces trois-là. Leurs sentiments contradictoires parfois à leurs actions, leur psychologie. Aimer deux femmes simultanément. Aimer sa patrie et la détester dictatoriale. Admirer et haïr l'opulence occidentale.
Mais on a peur de la fin. Gerd le sait, on est dans sa tête, tout peut s'arrêter d'un jour à l'autre. Une arrestation, un "accident", la torture possible... Trahir ? Manipuler ? Trahir Käthe, la RDA ou Liz, ses idéaux ? Choisir ou laisser le destin (?) choisir. Espionner c'est tromper celles qu'on aime. Mais celles-ci ont-elles dit toute la vérité ?
Laurent Petitmangin a dessiné trois personnages complexes qu'on aime et qu'on déteste à tour de rôle. Il est touchant Gerd, l'amoureux de ces deux femmes si "différentes"... et pourtant... il a lui aussi son côté sombre.
Le style élégant, tenu même, est un vrai plaisir de lecteur. Il y a de très belles pages qui confirment le talent de cet auteur, un futur classique je pense. J'attends déjà le 3e opus, Laurent Petitmangin a commencé à tracer un sillon qui restera. Alors ne ratez pas ce roman, ces amours berlinoises où aimer et trahir se conjuguent à tous les temps.
Allez, allez, direction la librairie ! 😉
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