Les femmes qui craignaient les hommes, Jessica Moor : Marina

Les femmes qui craignaient les hommes, Jessica Moor

Éditeur ‏: ‎Pocket (14 avril 2022)

Poche ‏: ‎414 pages

FINALISTE (catégorie roman étranger) Prix Nouvelles Voix du Polar, Pocket, 2022

Crédit photo : ©MGBooks33


Pour son premier roman Jessica Moor nous livre un roman fort, intense dont la violence tant physique que psychologique (sous-jacente) nous glace. Porté par des personnages magnifiques son récit nous plonge au coeur d'un refuge pour femmes battues, humiliées, cabossées par la vie, et pour certaines brisées. Des femmes qui tentent de se reconstruire loin des hommes qui les ont tant fait souffrir.


Nous sommes dans la banlieue de Manchester. Val est à la tête d'un refuge pour femmes battues. Des femmes plongées dans les affres de la douleur, de la perte de confiance en soi et pour certaines, au bord du renoncement. Chacune a une histoire, mais elle n'en parle pas forcément aux autres pensionnaires. Il faut beaucoup de patience, de bonté, de bienveillance pour espérer recevoir ne serait-ce que de petites confidences sur leur passé. Mais ça, Val le sait bien. Katie, elle, travaillait au refuge, en tant que conseillère pour aider ces femmes, tentant d'alléger le poids qui plombe leur existence. Quelqu'un à l'écoute, dont on devine que le passé n'a pas été simple, leur offrant la possibilité de se livrer quand tout devenait trop difficile. Mais Katie était bien plus que cela. Confidente, amie (?, pour certaines en tout cas), une épaule sur laquelle s'épancher en cas de trop plein.


Quand Katie est retrouvée morte au pied d'un pont, non loin du refuge, noyée, c'est un réel raz-de-marée qui s'abat sur les pensionnaires et la directrice. Est-ce un meurtre, un suicide ? Son passé l'aurait-il rattrapée ? Et en parlant de son passé, que sait-on exactement ?


L'auteure a structuré son roman de façon originale en nous proposant des chapitres qui s'intitulent AVANT et APRES. C'est ainsi qu'elle nous dévoile la vie de Katie (AVANT) ... Ce qui lui est arrivé, son choix de travailler au refuge, sa volonté d'aider ces femmes au bord du précipice. Même si on envisage très bien un passé très lourd, compliqué et douloureux pour Katie, le lecteur est loin d'imaginer les abîmes dans lesquels l'auteure va nous plonger. Nous frissonnons au fil des pages, peinant à réaliser ce qu'a été sa vie d'avant. 


L'alternance se fait de façon très fluide avec les chapitres APRES dans lesquels l'auteure nous fait vivre l'enquête menée par les agents Withworth et Brookes. Ils ont bien du mal à interroger les femmes du refuge qui se méfient tant (et à juste titre, étant donné leur vécu) des hommes. Leur enquête piétine, aucun indice (à part peut-être... ? ...) ne permettant de tendre vers telle ou telle piste. Dans les chapitres APRES Jessica Moor nous entraîne également, en parallèle, dans son sillage à la découverte de la vie au sein du refuge, sa hiérarchie  son organisation intrinsèque. Entre sa directrice et ses résidentes si fragiles et à fleur de peau qui se prénomment Jenny, Sonia, Nazia, Angie, ou Lynne. 


Après la mort de Katie, on sent le refuge au bord du gouffre, prêt à imploser au moindre mot "de trop", au moindre comportement qui pourrait être perçu comme déplacé de la part de qui que ce soit qui y est extérieur. Les pensionnaires vivent dans la terreur d'être retrouvées (encore plus quand elles ont des enfants) par leurs conjoints tortionnaires.. Et pourtant.. pourtant !! On sent certaines d'entre elles presque prêtes à encore y croire.. une dernière fois ? et si la situation pouvait changer, s'arranger, et si une rédemption (de leur conjoint) était encore possible ? Chacune attend le résultat de l'enquête comme si cela pouvait être salvateur pour toutes.


Pour ce premier roman je trouve extrêmement courageux de la part de Jessica Moor d'avoir choisi ce thème. Malgré le nombre constant et croissant de féminicides se produisant chaque jour, les médias peinent à en parler. C'est un sujet qui dérange, que l'on préfère glisser sous le tapis. Mais Jessica a travaillé dans le milieu social auprès de femmes battues. On sent que le sujet lui tient à coeur et qu'en même temps, son expérience a nourri son récit.

Un roman qu'il faut lire car c'est un très bon polar avec un "c'est pas possible" final incroyable ! Il n'est pas finaliste du Prix Nouvelles Voix du Polar, Pocket 2022 par hasard !


A lire enfin et surtout car il rend hommage à toutes ces femmes qui sont formidables. Elles luttent chaque jour, à leur façon, avec leurs moyens, pour leur survie et celles de leurs enfants. Souvent mises plus bas que terre, elles se relèvent, restent dignes sans jamais céder. Cela mérite et notre admiration et notre respect. De même que pour toutes les structures en place qui leur viennent en aide (même si elles ne sont pas en nombre suffisant).


Surtout, surtout, j'espère sincèrement que ce type de roman permettra de faire évoluer les mentalités, et que des solutions seront trouvées (tant sociales que judiciaires) pour leur venir en aide -je parle pour la France, les Etats-Unis.. partout où les féminicides se produisent-. 


Car croyez-moi, vous n'êtes pas près d'oublier l'histoire de Katie, Val, Jenny, Sonia, Nazia, Angie, ou Lynne...


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Pour seul refuge, Vincent Ortis : YvonS



Commentaires

  1. J'ai lu ce roman, ça fait quelques temps et je dois dire que si le contenu par lui-même m'a plu je n'ai pas trop aimé le style de l'auteure, je l'ai trouvé un peu confus mais on pardonne puisqu'il s'agit d'un premier roman.

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