Auteur à la page #41, Jean-Christophe Portes, mars 2024


© Le Parisien / Christophe Lefèvre

Nous avons rencontré Jean-Christophe dans de nombreux salons (Ormesson, Auvers...). Le courant est tout de suite passé entre nous et Yvon s'est immédiatement senti bien dans son univers. Il a d'ailleurs récemment dévoré Apocalypse Amerika son dernier opus passionnant, qu'il a eu la chance de lire en mode très privilégié (une chronique sortira bientôt sur le blog). Nous sommes donc ravis de vous proposer le portrait de Jean-Christophe pour ce mois de mars.. pour le découvrir, mieux comprendre ses choix de sujets, son monde etc..

C'est parti...

Peux-tu te présenter à ceux de nos lecteurs qui ne te connaîtraient pas encore ?

Je m’appelle Jean-Christophe Portes, j’ai longtemps travaillé pour la télévision, d’abord cameraman, (on dit JRI dans le jargon, journaliste reporter d’images), puis rédacteur, pour les informations puis pour le Magazine de la Santé. Ensuite j’ai réalisé une trentaine de reportages pour les principales chaînes, pour des émissions comme « Envoyé Spécial », « Capital » ou « TF1 reportages », enfin des documentaires principalement pour France 5. Les sujets étaient toujours d’actualité, de société, d’économie, mais j’ai aussi traité des sujets d’histoire. En 2015, j’ai publié mon tout premier livre, « L’affaire desCorps sans Tête ». Il se trouve qu’il a relativement marché, c’est-à-dire environ 3000 exemplaires en grand format. J’ai pu publier le second, « L’affaire de l’homme à l’escarpin », qui lui aussi a trouvé un public. J’ai donc pu continuer les publications et à partir de 2017, j’ai pu exercer cette activité à plein temps. Mes livres sont principalement du thriller historique, avec la série des enquêtes de Victor Dauterive, qui atteint les 100 000 ventes, et un tome 8 à paraître. J’ai également produit des documents, notamment « Les enfants du dernier salut », qui a été repris au Livre de Poche. Aux éditions du Masque, j’ai sorti deux petits romans d’aventure, dont, justement, l’un a reçu le « prix du polar d’aventures » 2020. Enfin dernièrement, j’ai commencé une nouvelle série historique qui commence en 1942 avec « Oscar Wagner a disparu », qui sera repris au deuxième semestre 2024 chez J’ai Lu.

Quel genre de lecteur es-tu ?

Je suis un lecteur très régulier, il est très rare que je ne lise rien un jour. Dans mon enfance, je lisais absolument tout le temps, comme dans une planche de Hergé de Quick et Flupke dans laquelle le petit blond est tellement absorbé par son livre qu’il traverse un canal sans s’en apercevoir. Je ne cite pas Hergé totalement par hasard, parce que j’ai dû lire chaque Tintin ou moins 30 ou 40 fois, et je pense que ce n’est pas fini. Sinon plus tard, j’ai dévoré comme beaucoup la bibliothèque verte, mais aussi une collection qui s’appelait « J’ai Lu leur aventure » avec des couvertures bleues et des dessins aux couleurs criardes, qui racontait – souvent, déjà – des histoires d’hommes ou de femmes plongés dans la grande Histoire, mais il s’agissait toujours de témoignages ou d’ouvrages d’historiens. J’ai ensuite lu les classiques français, Maupassant, Zola, Balzac, les Russes aussi. Ensuite, j’ai une un trou pendant une dizaine d’années, au début de ma vie professionnelle, parce que je passais la moitié de ma vie sur les routes ou en déplacement, et j’écrivais beaucoup pour mon métier. Je n’ai pas arrêté la lecture à ce moment-là, mais elle était très éparpillée. C’est en dévorant tous les Anne Perry et les enquêtes du juge Ti, (celles de Van Gulik, pas celle de Frédéric Lenormand), que j’ai eu l’idée d’écrire une histoire dans le genre policier historique. Aujourd’hui, je papillonne beaucoup, je lis un peu tout ce qui me tombe sous la main. J’ai la chance d’être dans une famille de lecteurs et je leur pique des livres. Je suis un lecteur assez méchant, dans le sens où, si le début ne m’accroche pas, je donne au texte 40 ou 50 pages pour me séduire. Si ce n’est pas le cas, je laisse tomber. J’estime (peut-être à tort) qu’il y a tellement d’œuvres à découvrir que ce n’est pas la peine de se faire mal pour absolument avoir lu tel ou tel. Par exemple, j’ai attendu assez longtemps pour découvrir Proust… eh bien j’ai eu beaucoup de mal et j’ai arrêté. En revanche, je m’étais ennuyé à lire « Lesrêveries d’un promeneur solitaire » de Rousseau, lorsque j’étais jeune. En les redécouvrant grâce à une boite à livre, il y a un an de cela, je les ai trouvées formidables ! Ce que je demande à un livre, donc à l’auteur, c’est de m’emporter, où il veut et comme il veut. Le reste, le genre, la morale, le fait qu’il ait marché ou non, ne m’intéresse pas.

Quel est ton 1er souvenir de lecture et  ton dernier coup de cœur littéraire ?

Je n’ai pas de vrai premier souvenir de lecture, et ne peux pas vraiment répondre à la question sur les coups de cœur, parce que j’en ai beaucoup. Il y en a des centaines dans ma bibliothèque. Si je tourne la tête en répondant à cet interview, je vois « La bête humaine » de Zola, « L’aveu » de London, « Mr. Mercedes » de King, « Lettres à un jeune poète », de Rainer Maria Rilke. Ceci dit, je peux citer quelques lectures marquantes : « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur », de Harper Lee, « La route », de Cormack McCarthy, « Misery » de King, « Madame Bovary » de Flaubert. Le dernier livre que j’ai beaucoup aimé – dans ce cas-là je savoure en relisant certains passages deux ou trois fois de suite – c’est « L’adversaire » de Emmanuel Carrère.

Quel est ton premier lecteur ou ta première lectrice ?

Ma première lecture, c’est mon épouse. Il m’a fallu un peu de temps pour comprendre que c’était la seule à véritablement m’aider, tout simplement parce qu’elle est sincère, ce qui est difficile pour un primo-lecteur. Elle a le don de ne pas s’attarder à ces choses sans importances, comme la syntaxe, ou des questions formelles : « pourquoi c’est à telle époque, pourquoi c’est tel dénouement et pas un autre, pourquoi l’usage de telle forme… » Elle va donc directement à ce qui va, ou ne va pas, et si elle a la parfois la dent dure, c’est extrêmement précieux, d’autant plus que c’est une vraie lectrice, c’est-à-dire quelqu’un de curieux et d’éclectique. Je vois dans son œil si la lecture lui plaît, si les pages tournent vite ou pas. Ensuite, mon fils est devenu un des premiers lecteurs. Il est plus fort sur la structure, sur tel rebondissement pas clair ou pas cohérent. J’ai aussi la chance d’avoir deux ou trois personnes à qui je peux donner mon texte, et qui m’apportent des points de vue, sur la psychologie des personnages, sur des passages à éclaircir. En général, les points de vue se recoupent. Si c’est mauvais, je le sais vite. Si un chapitre n’est pas clair aussi…

As-tu un rituel d'écriture ? un lieu particulier ?

Je n’ai aucun vrai rituel d’écriture. Il m’arrive de croiser par exemple des gens sur les salons, qui me demandent des conseils ou qui m’expliquent qu’il leur est difficile de commencer l’écriture d’un livre. Je leur réponds, et c’est sérieux : si vous voulez écrire, il faut avoir envie de raconter quelque chose, ensuite il faut prendre un stylo et un papier, ou un ordinateur, et écrire. Qu’on fasse telle ou telle chose, qu’on écoute ou non de la musique, qu’on ait fait du yoga, un footing ou lu un passage de la Bible, pour moi ce ne sont que des façons de se rassurer. La seule vérité, c’est qu’il faut de mon point de vue avoir une envie sincère de dire des choses, d’inventer quelque chose. Si on écrit pour se faire bien voir, pour se faire plaisir, pour avoir un à-valoir de l’éditeur ou pour avoir sa photo en 4ème de couverture (en plus, ça n’existe pas trop en France), on écrit pour de mauvaises raisons et ça finit par se sentir à un moment ou à un autre. La seule chose qui compte, ce n'est pas comment mais pourquoi on écrit, c’est le texte, qui a la fin existera ou non. Pour ma part, comme je travaille chez moi, le lieu d’écriture est tout simplement mon petit bureau. Ma méthode commence par avoir une idée de départ : c’est l’histoire d’un jeune enquêteur qui est mêlé à la fuite du roi à Varennes. Ou : c’est l’histoire d’une espionne anglaise qui va croiser la route d’un voyou patriote, autour d’un secret de la 2ème guerre, par exemple le sabordage de la flotte à Toulon. Je dois transformer ça en intrigue, avec des personnages qui souffrent et qui vont embarquer le lecteur (en tout cas c’est l’idée). Je travaille donc un plan tout en me documentant. Au départ, le plan était très détaillé, à mon avis parce que je ne me faisais pas confiance. Aujourd’hui mes plans comportent une dizaine de pages. Je vais surtout dégager les enjeux des personnages et les rebondissements. Cette phase dure deux ou trois mois. Une fois ce plan établi, je passe à l’écriture. Il y a toujours un moment où je n’en peux plus d’attendre. Je veux plonger dans le livre. Donc c’est la phase d’écriture. Si tout va bien, j’écris de 8h à midi, je mange un petit quelque chose et je continue un peu l’après-midi. Dans ces conditions, j’écris au minimum trois pages, mais ça peut être cinq ou six par jour. J’avance sans revenir sur ce qui est fait, un peu comme un lecteur pris par un roman a absolument envie d’arriver à la fin. Je suis le premier lecteur, j’ai envie de savoir ce qui va se passer ! Une fois cette première version obtenue, au bout de deux ou trois mois, je fais lire le texte autour de moi, et je le retravaille quelques semaines ou mois plus tard. Ayant par le passé beaucoup voyagé et travaillé en voyageant, je peux aussi tout à fait écrire en déplacement, en train (en avion c’est plus dur à cause du manque de place), ou dans des hôtels ou dans un café. Ce qui compte pour moi, dans le processus d’écriture, c’est la continuité, surtout pour le premier jet. J’ai beaucoup de mal à m’arrêter deux jours de suite ou plus, au milieu de l’écriture.

Quel est le plus beau compliment que l'on t'ait fait sur un de tes romans ?

Les plus beaux compliments, même si ça n’en est pas un directement, ce sont ces quelques lecteurs qui me disent relire toute la série Dauterive, à chaque fois qu’un nouveau tome sort. Ils veulent absolument avoir en tête tout le déroulement des épisodes avant de découvrir le nouveau. Plus globalement, les meilleurs compliments viennent de lecteurs qui parlent de ces personnages de fiction comme s’ils existaient vraiment.

Quelle est la chose la plus bizarre qu'on t'a dite ou demandée à une séance de dédicace ?

Je pense être assez banal de ce point de vue. Les bizarreries sont toujours les mêmes : les gens qui vous demandent si « c’est vous l’auteur », comme si on pouvait répondre autre chose que oui. Sinon que diable ferait-on derrière une pile de livres écrits par un autre ? Ceux qui vous disent « qu’ils ne lisent pas », ou « qu’ils n’aiment pas le polar ou le thriller » alors qu’ils sont dans un salon… Le plus amusant m’est arrivé lorsqu’une vieille dame très chic à Boulogne-Billancourt m’a expliqué qu’elle avait la Révolution en horreur, à propos des Dauterive. Comme elle insistait lourdement, peut-être en attendant que je lui réponde que Robespierre est mon héros et que j’aimerais couper la tête aux riches, j’ai fini par lui dire assez sèchement qu’il y avait plein d’autres livres très bien sur le salon, et que rien ne l’obligeait à aimer ou non la Révolution, et que d’ailleurs mes livres sont des romans, et non des essais politiques. Elle est partie un peu fâchée, mais dix minutes plus tard, elle est revenue pour m’acheter trois volumes. Je me suis dit que l’amabilité n’était pas forcément la meilleure pour vendre !

Ton nouveau roman... peux-tu nous en parler? on est très impatients de le découvrir...

Le nouveau roman fait suite à « Oscar Wagner a disparu », qui se déroulait en 1942 et mettait en scène une espionne britannique, Lizzie Beresford, et Mo, un voyou français patriote. L’histoire finissait alors que Lizzie s’en sortait, et que Mo était en mauvaise posture. « Apocalypse Amerika » commence en 1944 et reprend ces deux personnages. Le débarquement vient d’avoir lieu et Lizzie fait partie d’une mission ultrasecrète des Alliés : elle doit absolument découvrir à quel stade en sont les nazis dans leurs recherches sur la bombe atomique. Notamment elle doit retrouver le fameux scientifique Joliot-Curie, qui a peut-être livré des secrets aux Allemands. Au même instant, Mo est en très mauvaise posture, en route vers la déportation. Leurs routes vont se rejoindre dans des circonstances exceptionnelles… Comme pour tous les autres romans, rien n’est inventé dans le fond historique ! Je me suis simplement arrangé pour que les protagonistes y soient mêlés.

Sais-tu déjà dans quel salon tu seras présent bientôt et où nos lecteurs (et les tiens ! 😁) pourront te rencontrer ? En région parisienne ?

Je serais sans doute présent en avril à la Foire du livre de Bruxelles, mais aussi à Grasse ou à Sainte-Mère Église. Pour l’instant, aucun salon n’est prévu en région parisienne, mais le programme va sans doute évoluer et ce sera peut-être le cas en mai ou juin.

Un scoop pour le blog ? Quelque chose à ajouter (que nous n'aurions pas évoqué plus haut) ? Ton prochain projet ? Tu peux parler de tout ce que tu souhaites :

J’ai un mini-scoop, qui est le titre du Dauterive numéro 8, qui sortira au deuxième semestre 2024, et dont le titre sera : « L’homme au cœur vendéen »… Mais c’est un faux scoop, car c’est un titre de travail, et le définitif n’aura peut-être rien à voir !

A retrouver sur le blog :

📚L'Affaire des corps sans tête, de Jean-Christophe Portes, Yvon
📚Les enfants du dernier salut (Témoignage), Colette Brull-Ulmann et Jean-Christophe Portes
📚Le mystère du masque sacré
📚La femme aux doigts d'or
📚1er salon du Polar à Pont Sainte Maxence, octobre 2022
📚Noir sur Ormesson, novembre 2022
📚Intouchable
📚Oscar Wagner a disparu
📚Minuit dans le jardin du manoir

😎 les portraits précédents à retrouver sur notre blog : 


- # 37 Gilles Paris

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