Auteur à la page #39, Frédéric Lepage, janvier 2024


© Guy Buchheit

Bonjour Frédéric et merci d'avoir accepté avec un tel enthousiasme de démarrer cette nouvelle année, 2024, en notre compagnie. Nous nous sommes rencontrés en petit comité avec le #GangPocket, puis en salon et avons eu également la chance de voir ton spectacle Marcel & Reynaldo au théatre :) Nous sommes donc enchantés que nos lecteurs puissent à présent en découvrir un peu plus sur ton univers et tes différents domaines créatifs.


Bonjour Frédéric, peux-tu te présenter à ceux de nos lecteurs qui ne te connaîtraient pas encore ? 


Bonjour, on dit parfois de moi que je suis un touche-à-tout. Il y a un peu de condescendance dans cette formule mais je l’accepte. Disons plutôt, cependant, que j’ai plusieurs cordes à mon arc ou, mieux, que tout ce que je fais dans des domaines variés – télévision, cinéma, théâtre, édition, formation, tourisme – se résume à une seule activité : raconter des histoires. J’ai cherché dans l’un de mes romans, Le Concile des singes, où dénicher ce qu’on appelle l’exception anthropologique, c’est-à-dire ce qui différencie l’homme des autres animaux. La capacité de produire des récits est peut-être, précisément, ce qui nous distingue. Un enfant ne peut s’épanouir sans qu’on lui raconte des histoires, et ses parents s’accomplissent en les inventant. J’aime cette formule de Harrison Ford : « Les histoires que nous racontons définissent qui nous sommes, et nous devons raconter d’autres histoires pour définir qui nous voulons être. » Nous inventons ainsi des histoires pour les offrir aux autres et nous projeter vers eux.

Plus factuellement : j’ai écrit et produit des centaines de programmes pour la télévision (en particulier des documentaires), j’ai écrit une dizaine de romans et une demi-douzaine d’essais, trois pièces de théâtre, un film pour le cinéma, j’ai créé avec deux co-auteurs la nouvelle série polar de France 2, Flair deFamille, et je forme au storytelling des professionnels du tourisme. Dans tous les cas, je transforme des idées en histoires.

 

Quel genre de lecteur es-tu ?


Je suis un lecteur impatient. Un livre doit me séduire dès les premières pages. Je dois y trouver une voix originale, un univers où j’aie envie de m’aventurer. L’auteur doit me donner envie de partir en voyage avec lui, soit parce qu’il me ressemble, soit parce qu’il m’est étranger au point que je veuille découvrir ses secrets.

Il faut aussi que je puisse entrer dans un univers singulier, qui m’emmène ailleurs. C’est sans doute la raison pour laquelle je ne suis pas un grand consommateur de romans feel good, ou de récit sociaux. J’ai, très tôt, aimé prendre de l’altitude. J’ai adoré Dune, de Frank Herbert, ou les romans de Arthur C. Clarke, tels que 2001 L’Odyssée de l’espace. Clarke est d’ailleurs devenu un ami proche et cher dont la disparition m’a fait une peine immense.

Enfin, je trouve les grands « classiques » indémodables, mais je range parmi eux des auteurs quasi-contemporains, comme Romain Gary, que je vénère.

 
Quels sont ton 1er souvenir de lecture et ton dernier coup de cœur littéraire ?


Mon premier souvenir de lecture : je suis à Bayonne, où j’ai grandi. Je fréquente une bibliothèque de quartier, aujourd’hui disparue, je suppose, dans le quartier de Marracq. Je m’assieds entre les rayonnages pour lire les aventures de Quick et Flupke, dessinées par Hergé, ou celles de Jo, Zette et Jocko. Je commence donc par la bande dessinée mais, très vite, je dévore tous les romans de la Bibliothèque Verte. C’est parti : ensuite, ce seront Moby Dick, Le Bossu, Fantomas,  les œuvres d’Alexandre Dumas, Gaston Leroux, Stevenson, ou celles de Maurice Leblanc. Puis, les grands classiques : Stendhal, Hugo, Flaubert, Zola, jusqu’à Camus ou Cohen.


Mon dernier coup de cœur littéraire ? Sans doute Triste Tigre, de Neige Sinno : un livre d’une grande force, au style fluide et saisissant. Ou L’Amour insecticide, de Nathalie Vierne, une histoire d’amour et de mort stupéfiante, tout à fait inattendue et originale, écrite dans une langue d’une grande richesse.

 

Quel est ton premier lecteur ou ta première lectrice ?


Ma sœur Annie, qui fut anesthésiste-réanimatrice, à présent à la retraite et passionnée de lecture. Elle sait se mettre à la place du grand public, ce que considère comme une vertu essentielle.

 

As-tu un rituel d'écriture ? un lieu particulier ?


Paresseux, j’écris mieux dans les lieux d’où mon attention ne peut pas s’évader, par exemple à la montagne, face aux pics enneigés. Ou, paradoxalement, dans des lieux publics, cafés, trains, salles d’attente, où l’isolement vient de l’intérieur, au cœur des bruissements de la ville.

Je peux écrire à toute heure, contrairement à des auteurs tels que mon ami BernardWerber, qui s’impose une discipline et des horaires monastiques. Je peine à me mettre au travail. Mon bonheur vient du jaillissement : ce moment particulier où une ligne en appelle une autre, un paragraphe impose le suivant. Vous n’avez plus, alors l’impression de produire un effort : les mots se précipitent.

 

Quel est le plus beau compliment que l'on t'ait fait sur un de tes romans ?


À propos de mon roman « Le Conciles des singes » : « C’est drôle et tragique, et cela montre bien que nous appartenons à une chaîne de vie et de vies dont nous ne sommes que le dernier chaînon ». Cela venait de la dramaturge Ariane Mnouchkine.

 

Quelle est la chose la plus bizarre qu'on t'a dite ou demandée à une séance de dédicace ?


J’aimerais pouvoir répondre à cette question, mais cette situation ne s’est jamais présentée. En revanche, quand une lectrice vient vers vous, ayant aimé votre travail, pour vous offrir une bouteille de cidre de sa Bretagne natale et des biscuits salés, cela fait tellement plaisir ! Cela montre qu’une connivence peut s’établir, au-delà du livre, entre un auteur et ses personnages d’une part, et les lecteurs d’autre part.

 

Ton prochain roman à paraître chez Robert Laffont est intitulé "Le Livre des sacrifiés". Peux-tu nous en dire un peu plus ?


Le Livre des sacrifiés repose sur une énigme. Un meurtre rituel, puis un autre, puis un autre encore. Un tueur en série est à l’œuvre. On découvre que quelques jours avant sa mort, la deuxième victime a violemment agressé une femme de 75 ans, auteur d’un recueil de nouvelles, dans lequel chaque chapitre décrit dans les moindres détails la vie des victimes... qu’elle ne connaissait pas, et ne pouvait pas connaître. Un mystère absolu. Le lecteur ira de surprise en surprise, et comprendra comment il avait sous les yeux la solution de cette équation apparemment impossible à résoudre.

Mais j’ai pris un peu d’avance, avec un autre thriller, Plus fort que la nuit, dans lequel je mêle à une trame au suspense très tendu une histoire d’amour absolument bouleversante.

Lequel de ces deux romans paraîtra en premier, je ne le sais pas encore. Peut-être parviendrai-je à publier Plus fort que la  nuit comme nouveauté, mais directement en format de poche à moins de dix euros. C’est un pari qui me tient à cœur car le secteur de l’édition peine à comprendre que le prix des grands formats devient prohibitif pour beaucoup de lecteurs. L’avantage d’un nouveau titre en poche, c’est que vous pouvez bénéficier de la promotion d’une nouveauté tout en gardant votre texte immédiatement abordable pour le grand public.

 

Tu es multi casquettes et on adore cela chez les auteurs que l'on suit !  Entre le téléfilm très réussi  Flair de famille, une nouvelle fiction policière avec Sylvie Testud et Samuel Labarthe (d'ailleurs peux-tu nous dire si d'autres téléfilms ont été tournés ?), ta pièce de théâtre Marcel et Reynaldo, comment fais-tu pour tout mener de front ? As-tu des infos pour nous concernant de futurs projets ?


Marcel & Reynaldo, un spectacle musical intimiste qui retrace la relation amoureuse puis amicale entre Marcel Proust et le compositeur Reynaldo Hahn, va quitter le théâtre du Gymnase, à Paris, pour partir en tournée dans de nombreuses villes en région. Je prépare à présent une pièce dans laquelle je joue sur les codes du théâtre de boulevard, La Faute.

Le deuxième film de la collection Flair de famille, pour France 2, a déjà été tournée, les scénarios des films 3 et 4 sont en cours d’écriture, sans ma participation active, car j’écris pour mes amis de Federation Entertainment une mini-série de quatre films, librement inspirée de mon roman Promets-moid’avoir peur.

 

Des thrillers jeunesse, un domaine qui t'intéresserait ?


Oui, un domaine excitant. J’ai déjà écrit quatre thrillers jeunesse, dans le cadre d’une collection multi-récompensée intitulée Micah et les voix de la jungle, dans la collection MSK chez Lattès. Toucher un public aussi exigeant et attentif que les pré-adolescents, quel bonheur ! Le referais-je ? Oui, bien sûr !

 

As-tu un un scoop pour le blog ? Quelque chose à ajouter (que nous n'aurions pas évoqué plus haut) ?  Tu peux parler de tout ce que tu souhaites


Il n’y a pas que le roman. En janvier, je publierai Les Mots envahisseurs, un livre dans lequel je présente la langue française comme un écosystème. Je redeviens à cette occasion le producteur-auteur de plusieurs centaines de documentaires animaliers, qui voit s’imposer dans cet écosystème des mots invasifs, malencontreux et mal employés qui appauvrissent la langue.



  


😎 les portraits précédents : 


- # 27 Denis Albot
- # 28 Nicolas Feuz

2023

- # 31 RJ Ellory

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